Impact de la COVID 19 en Afrique de l’Ouest et du Centre
Les Bureaux régionaux de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest (Sahel) et du Centre ont organisé les 29 et 30 juillet 2020, une Consultation régionale en ligne, pour analyser l’impact de la COVID-19 dans le secteur des médias afin de dégager des pistes d’actions visant à favoriser le développement des médias et préserver la sécurité des journalistes.
La forte précarité observée dans le secteur des médias en Afrique de l’Ouest et du Centre depuis quelques années, s’est accentuée du fait de la pandémie de COVID-19 qui a lourdement impacté l’économie des médias. En effet,
bien que la pandémie ait eu un effet d’accélération sur l’adoption et l’intégration des TIC dans les médias, l’augmentation de l’audience des médias, entre autres, plusieurs autres effets induits par cette crise sur les médias sont bien plus préoccupants
, a affirmé dans son discours d’ouverture M. Dimitri Sanga, Directeur du Bureau régional de l’UNESCO à Dakar. Et pourtant,
la contribution du journalisme professionnel s’est avérée cruciale en ce qu’elle a permis aux populations de prendre des décisions éclairées sur la pandémie, contribuant ainsi à sauver des vies.
Un point de vue partagé par le représentant du Ministre de l’Information et Infrastructure de communication de la Gambie, Hon. Ebrima Sillah, qui a souligné le fait que cette conférence
intervient à un moment opportun pour nous permettre d’aborder l’impact de la COVID 19 sur les médias et de réfléchir aux changements futurs .
Faillite et licenciements pour les médias les plus faibles ; restrictions budgétaires et arriérés de salaire pour les plus résistants ; interpellations, surveillance, censure, pour tous. Face à la multiplicité des menaces énoncées par Mme Fatou Jagne Senghor, l’accès à l’information apparait plus que jamais comme « un outil effectif aidant le monde à comprendre cette crise et à trouver une solution durable à cette pandémie », a déclaré la Directrice du Bureau Afrique de l’Ouest de Article 19. En considérant ce rôle important de relais, « les médias doivent être autorisés à accomplir leur mission sans ingérence ni attaque pour une information juste, en temps réel ». Un appel clair au renforcement de la liberté d’expression mise à mal au prétexte de la santé publique dont les efforts de préservation sont parfois ébranlés par le flux massif de désinformation dans les sociétés africaines.
Tenue sur deux jours, la consultation s’est faite en présence d’une centaine d’acteurs du secteur et de plus de trois cent participant (e)s inscrit(e)s et connecté (e)s depuis divers pays d’Afrique et d’ailleurs. Parmi eux, des patrons d’entreprises de médias, des universitaires, des représentants d’Organisations de la société civile (OSCs), des représentants de gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest, des journalistes, etc.
Lors de la première session modérée par M. Michel Kenmoe, Chef du secteur Communication et Information du Bureau Régional de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest (Sahel), le Pr Khatija Khan de l’Université d’Afrique du Sud, M. Jules Domche, Directeur Général de la chaîne panafricaine VoxAfrica et le Pr Nosa Owens-Ibie de Caleb University du Nigeria, ont successivement brossé le tableau de la situation économique des médias d’Afrique de l’Ouest et du Centre depuis le début de la crise de coronavirus. Dans sa communication intitulée « la COVID 19, la crise de trop dans un secteur des médias déjà en crise », M. Jules Domche a posé la question de la réinvention du modèle économique et celle de la synergie qui sont aujourd’hui prioritaires pour la survie de l’industrie médiatique en Afrique.
S’appuyant sur sa propre expérience, le patron de VoxAfrica alerte : « En tant qu’acteurs de médias, nous devons nous parler plus souvent en Afrique. Les responsables de médias africains doivent se mettre en synergie pour réduire les coûts de production et s’émanciper du pouvoir en place ». Dans son exposé, M. Jules Domche évoque une nécessité d’innovation et d’invention d’un nouveau modèle économique qui pourrait être basé cette fois-ci sur le numérique. « L’Etat n’a pas forcément vocation à donner de l’argent aux médias, mais plutôt à jouer son rôle de régulateur pour permettre l’expansion des médias et leur indépendance », note-il.
Modérée par le Dr Zubairu Babajide Atta, la deuxième session a servi de cadre d’exposés pour le Pr Thomas Atenga du Département de Communication de l’Université de Douala au Cameroun, M. Louis Modeste Ouedraogo, Juriste-Spécialiste des TIC, par ailleurs Chargé de missions du Président du Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso, Mme Edithe Hortence Boukeu Chana, Journaliste, Sous-Directrice de la communication internationale au Ministère de la Communication du Cameroun et Dr Sharon Adetutu Omotoso de l’Université d’Ibanda. Les présentations et échanges portaient notamment sur le contenu médiatique approprié et la dimension genre en période de crise sanitaire.
« Bien qu’ayant joué un rôle essentiel dans la sensibilisation sur le respect des mesures barrières, les médias ont donné la parole aux personnes qui sont parfois venus polémiquer sur la pandémie. Notamment les politiciens qui ont politisé le sujet… », a souligné le Pr Thomas Atenga. Sa communication posait le problème de la production de contenu de l’information scientifique et sanitaire ou médicale. Selon lui, il faut accentuer et accélérer les dispositifs de formation pour permettre aux journalistes d’être fiables dans la manière d’amener l’opinion à appréhender ce qu’il se passe. Il s’agit donc d’ne urgence à former dans les médias classiques notamment sur les questions dites scientifiques, « d’autant plus que la mondialisation fait en sorte que les crises comme celle-ci (COVID 19) seront cycliques et à l’avenir les médias devront y être préparés pour échapper à l’infodémie et autres travers ».
Citant plusieurs cas pratiques, Mme Edithe Hortence Boukeu Chana a mis l’accent sur la mise en arrière plan des femmes dans la couverture médiatique contre la COVID 19. La crise a davantage révélé la représentativité inégalitaire en matière de genre dans le secteur des médias. Et pourtant, l’on a observé à travers l’évolution de la pandémie une synergie entre hommes et femmes dans la couverture des évènements, avec les mêmes résultats, quelque soit le genre. La perspective serait donc, entre autres, de « mettre en place une politique incitative à travers la production des émissions sensibles au genre et de former les hommes et les femmes de médias sur le traitement de l’information sensible au genre », conclut M. Louis Modeste Ouedraogo au cours de sa présentation sur la même thématique.
Au terme de cette première journée de consultation, une cinquantaine de recommandations ont été formulées par les participants et participantes de ces deux sessions, dont la nécessité de renforcer la coalition entre médias, organisations internationales, institutions gouvernementales, OSC, universités et autres acteurs afin de développer des stratégies et des réglementations pratiques en matière de durabilité et de résilience du secteur des médias ; et faire de la représentation égalitaire du genre une obligation contenue dans les cahiers des charges, tout en prenant en compte l’approche genre dans les paramètres de régulation, notamment dans le monitoring et dans la formation des journalistes, animateurs et animatrices.
Source : fr.unesco.org